Emploi flexible, tournois à l’entrée et probabilité de durer dans le monde du journalisme
Avec Antoine Machut, nous venons de faire paraître dans Sociologie du travail un article sur l’emploi et les carrières des journalistes. Le sujet de l’article ne surprendra pas celles et ceux qui travaillent sur le journalisme ou les mondes de l’information : l’augmentation de la flexibilité de l’emploi dans ces mondes et celle des sorties de plus en plus précoces de celles et ceux qui y entrent.
Pour décrire les carrières professionnelles des journalistes depuis les années 1980 nous avons collecté des données sur le réseau social LinkedIn (n = 7 549). Elles nous permettent de mettre en évidence quatre formes de la flexibilité de l’emploi : le recours aux stages, à l’indépendance, à la multi-activité et à des emplois de courte durée. Sans surprise, nous observons une augmentation très nette de la flexibilité de l’emploi des journalistes. Mais nous observons aussi, grâce à une classification des carrières par appariement optimal, l’augmentation de la porosité de l’emploi journalistique avec d’autres types d’emplois et l’accélération de ce que nous appelons à la suite de Marsden les “tournois à l’entrée”. Un chiffre seulement : les trajectoires de sortie du journalisme représentent 28% de l’ensemble des entrants de la cohorte 2010-2013 et se jouent massivement en moins de 4 ans après l’entrée dans la carrière.
Dans l’article nous proposons une interprétation de ce phénomène inspirée par les travaux des interactionnistes sur les carrières et par la riche littérature consacrée aux carrières dans les mondes de l’art notamment. Nous concluons sur un paradoxe : le fait d’avoir une formation en journalisme reconnue fait certes augmenter la “probabilité de durer” dans ce monde, mais elle ne fait pas baisser la flexibilité de l’emploi ni augmenter la probabilité d’exercer des responsabilités éditoriales. Le système de formation des journalistes contribue donc à faire peser lourdement sur les individus — et pas sur les employeurs — les risques liés à l’entrée dans un monde d’emploi flexible.
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